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Quand la Deutsche Bank fait trembler le marché bancaire européen

Deutsche Bank
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Le 1er groupe bancaire allemand, Deutsch Bank, donne du fil à retordre aux investisseurs comme aux analystes financiers. Pire, ses difficultés pourraient déstabiliser le marché bancaire européen de façon durable. Et pourtant, les autorités européennes semblent fermer les yeux sur un phénomène inquiétant, révélé par les difficultés de la Deutsche Bank.

La Deutsche Bank peut-elle encore être sauvée ?

Les difficultés rencontrées par la Deutsche Bank ne sont plus à démontrer. En février 2016, l’action de l’établissement bancaire connaissait une chute spectaculaire, avant d’atteindre son plus bas niveau historique. Aujourd’hui encore, le cours de l’action ne cesse de chuter, malgré un sursaut (à hauteur de 14%) le 28 septembre 2016. Le credit default swap (CDS), c’est-à-dire la couverture de défaillance de la Deutsche Bank estime quant à lui que le risque de faillite de l’établissement dans les 5 ans s’élève à 20%. La situation de la Deutsche Bank paraît donc peu représentative du tableau idyllique de l’ « exception allemande » dépeint par les économistes et les hommes politiques français.

La culture de la stabilité : un modèle mis à mal

Les difficultés de la Deutsche Bank peuvent s’expliquer par un principe jusque-là privilégié par la banque, ainsi que par la plupart des établissements bancaires allemands : la Stabilitätskultur, ou « culture de la stabilité ».
Ce principe, érigé en modèle par les analystes financiers les plus conservateurs d’Allemagne, se fonde sur une inflation maîtrisée par une faible demande intérieure et une forte croissance des exportations. Ce système conduit de fait à l’accroissement, jusqu’à l’explosion, des excédents (commerciaux et courants) de l’Allemagne. Ces derniers ne peuvent pas être injectés dans la demande intérieure, puisqu’ils contribueraient alors à la stimuler et donc à relancer l’inflation.
Avec la dérégulation et l’internationalisation des échanges financiers, dès le début des années 2000, la Deutsche Bank (suivie par la plupart des banques d’affaires) s’est saisit des opportunités offertes par ces réformes ultralibérales. En proposant des rendements extrêmement élevés (jusqu’à 25% pour la Deutsche Bank, sous la présidence de Josef Ackermann), les banques allemandes se sont mises à la recherche de produits financiers aussi rentables que risqués. Les excédents allemands ont donc été réinvestis dans des bulles financières appelées à éclater, comme les subprimes américains, l’immobilier irlandais ou encore la dette publique de la Grèce.

Les banques allemandes, premières victimes collatérales de la crise financière

Dans ces conditions, il n’est donc pas surprenant que les banques allemandes prennent de plein fouet les conséquences de la crise, entre l’éclatement des bulles financières de 2007 à 2010 et les dettes publiques européennes, rapidement devenues problématiques.
Si les pouvoirs publics allemands parviennent à sauver la plupart des établissements bancaires du pays, en les nationalisant (c’est le cas de la banque Hypo Real Estate en 2009), ou les démantelant (comme WestLB), la situation est loin d’être idyllique. Les établissements les moins touchés par les conséquences de la crise ont quant à eux pu échapper au démantèlement grâce aux fonds injectés par Berlin (à hauteur de 200 millions d’euros, sous la forme de garanties sur les produits considérés comme « toxiques »).

Les difficultés de la Deutsche Bank, symptôme d’un système bancaire européen malade ?

Si l’état fédéral allemand est parvenu à sauver, de justesse, l’ensemble de son système bancaire, la Deutsche Bank continue de subir les effets de la crise. Entachée par de nombreux scandales judiciaires, liés au financement d’états sous embargo américain ou à la manipulation illicite du taux interbancaire Libor, la banque est loin d’être tirée d’affaire. Seuls des interventions ponctuelles, initiées par les pouvoirs publics allemands et la Banque centrale européenne (BCE), lui ont permis d’échapper à la faillite. Dernier exemple en date : la cession, à prix très modeste, de la filiale bancaire du système postal d’Allemagne (la Postbank), par l’état fédéral à la Deutsche Bank. Malgré ces interventions, pourtant rares dans la tradition économique d’Outre-Rhin, les performances financières du 1er groupe bancaire allemand ne semblent pas dépasser celles des banques les plus en difficulté du sud de l’Europe.

Quand l’Europe ferme les yeux

Malgré ces données alarmantes, les responsables politiques allemands comme français ne semblent pas s’inquiéter des conséquences désastreuses de la crise financière sur le système allemand. Pire, ils n’hésitent pas à pointer du doigt les établissements bancaires des pays du sud de l’Europe, comme l’Italie ou l’Espagne. Au cours du 48e Conseil économique et financier franco-allemand, qui se tenait à Paris le 9 février 2016, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, déclarait ainsi qu’ « il n’est pas possible d’avancer sur la solidarité si l’on n’a pas la stabilité des banques ». Des propos qui peuvent laisser perplexe, lorsqu’on connaît la situation des établissements allemands, mais que le ministre français des finances, Michel Sapin, n’a pas hésité à soutenir.

Un contexte bancaire et européen incertain

Si les responsables européens parviennent à fermer les yeux, les difficultés rencontrées par la Deutsche Bank ne sont certainement pas inconnues des autorités financières allemandes. Le groupe, contraint de provisionner plus de 5 milliards d’euros afin de pouvoir faire face aux pénalités liées à ses contentieux juridiques, continue de miser sur des actifs rentables mais risqués, en perpétuant la tradition de la culture de la stabilité. Ces opérations reposent en grande partie sur des investisseurs de plus en plus méfiants : les perspectives d’avenir paraissent, pour le mieux, incertaines.

Quelles perspectives pour l’Union européenne ?

Les difficultés rencontrées par la Deutsche Bank sont en mesure de s’étendre à l’ensemble du marché financier européen, voire international. Malgré les propos rassurants, mais erronés, de l’un des co-présidents du groupe qui le qualifie de « solide comme un roc », l’établissement pourrait se voir contraint de convertir ses obligations convertibles (surnommées « Coco ») en actions dévalorisés, entraînant la perte de crédibilité totale de la 1ère banque allemande.
Si les rumeurs vont bon train sur les façons de « sauver » la Deutsche Bank, à commencer par le rachat de ses titres bancaires par la BCE, la problématique rencontrée par le groupe doit mener à une réflexion approfondie sur les mécanismes qui l’ont entraîné sur cette pente glissante. Les excédents allemands demeurent au cœur du problème, et sont encore loin d’être remis en cause par les responsables européens, tant du côté français qu’allemand.

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